Inauguration


Ce soir-là, il est 18h lorsque nous arrivons dans la petite commune de Chancy en compagnie de Nihed et de la coordinatrice région Rhône-Champagne de la FASe. Quelques personnes sont déjà présentes et nous attendent de pied ferme en haut des marches donnant accès au fameux local d’accueil libre (LAL). L’adjoint au maire et d’autres personnes travaillant pour la mairie se laissent embarquer dans une visite guidée par le TSHM responsable des lieux. Le temps de se saisir de son passe-partout et la visite commence …
De notre côté, nous restons à l’extérieur et assistons à l’arrivée progressive des invités. Des petites têtes connues apparaissent dans la brume, il s’agit de jeunes qui fréquentent le LAL. Ils se précipitent vers nous pour nous serrer la main, riant et se bousculant au passage. D’autres pré-adolescents un peu plus intimidés sont là, accompagnés de leurs parents et resteront accrochés à eux durant la soirée. Des magistrates des communes voisines sont également présentes et se joignent à la visite guidée.
Nous nous dirigeons vers la grande salle où aura lieu le rassemblement et nous décidons de soutenir l’équipe des travailleurs sociaux hors murs (TSHM) du BUPP qui s’affère à préparer l’apéritif. Le lieu est vite pris d’assaut par quelques invités qui s’installent autour du bar, mais ce n’est pas encore l’heure pour l’apéritif. Les présentations d’usage n’ayant pas encore été faites, nous nous contentons de nous observer les uns et les autres. Après quelques instants, des présentations informelles commencent à se faire.
Et enfin à 19h, l’adjoint au Maire et la coordinatrice région Rhône-Champagne de la FASe prennent la parole pour faire un discours. En quelques mots, ils expliquent pourquoi ce projet a été mis en place, ce qu’il apporte à la commune et l’explication de ce qui s’y fait.
« Le LAL est le maillon manquant dans les dispositifs qui sont déjà en place pour la jeunesse et s’inscrit dans un ensemble de prestations que la commune de Chancy a décidé de développer avec la FASe ». Il est né de la volonté de la commune ainsi que la FASe de se coordonner afin de mettre en place un local d’accueil libre pour les jeunes de 12 à 15 ans. Le lieu fonctionne suivant le principe de libre adhésion, «c’est un lieu qui se veut ouvert pour des ados qui sont au cycle. Sans inscription, tous les jeunes ont la liberté de venir mais d’en partir aussi ». Il est accessible pour tous les jeunes sans distinction et sans exclusion. Ainsi, chaque jeune peut profiter des activités proposées, mais peut aussi proposer des projets qui peuvent se mettre en place avec le soutien de Nihed. Le TSHM est responsable d’accueillir, d’encadrer les jeunes durant les moments d’accueil libre. Chaque jeudi de 16h30 à 19h, Nihed accueille les jeunes au LAL. Ce lieu stratégiquement aménagé pour permettre de créer des liens avec les jeunes autour de parties de jeu.
Durant le discours, nous constatons que les magistrates au fond de la salle chuchotent entre elles; certains jeunes sont dehors et jouent; d’autres dans la salle rigolent et se font reprendre par Nihed et d’autres TSHM.
La fête continue dans la joie, les rires et autour d’échanges entre les invités. Nous saisissons cette occasion pour nous approcher discrètement de l’adjoint au maire, afin de lui poser quelques questions sur la conception du projet du LAL. Nous sommes curieuses de comprendre quel chemin il a fallu parcourir pour que nous nous retrouvions tous ce soir là, pour l’inauguration de ce local d’accueil libre.
Politiques publiques


L’inauguration du LAL a pu se concrétiser grâce à des acteurs clés dans la commune rurale: le BUPP (une équipe de travailleurs sociaux), la commune (le maire adjoint et la commission sociale) et les jeunes. Ces différents acteurs que l’on a vus réunis lors de l’inauguration sont passés par un long processus que l’on nomme la politique publique.
Cette politique publique nous permet de mettre en lumière le cheminement à faire pour l’implantation d’un nouveau projet.
Avant tout, le contexte: située en zone rurale, Chancy est la commune la plus jeune de Genève. La population de 1 664 habitants compte 31,4 % de jeunes (Source : SITG/OCSTAT juin 2017) et plus précisément 117 jeunes de 16 à 20 ans, 113 jeunes de 12 à 15 ans et 348 jeunes en dessous de 12 ans.
La commune est en plein essor, tant au niveau des infrastructures publiques qu’au niveau des projets spécifiques pour la jeunesse. La superficie du village génère une forte proximité entre les différents lieux d’intérêt.
Ainsi, pour que le projet du LAL se concrétise, les acteurs clés: le BUPP, la commune et les jeunes ont dû se mobiliser et passer par plusieurs étapes.
Tout d’abord, il y a eu la mise en évidence d’un besoin social. Nihed et le BUPP, étant sur le terrain de Chancy depuis 2010 à travers le Projet trait d’union, le local de gestion accompagnée (LGA) pour les 16-22 ans et les tournées ont pu observer que beaucoup de jeunes de 8 à 15 ans “zonaient” dans l’espace public. A travers des discussions au sein de l’équipe, ils ont pris contact avec la mairie afin de mettre en avant cette problématique.
Comme réponse à ce besoin social identifié, les autorités compétentes ont décidé de s’en intéresser de près. Après plusieurs rencontres, un plan de prévention pour les jeunes a pu être pensé. En effet, vu le nombre de jeunes à Chancy, les professionnels ainsi que la commune ont trouvé judicieux d’anticiper une réponse quant aux besoins des jeunes dans la commune de Chancy. La prévention et la mise en place de projet permettent de mieux connaître les jeunes concernés, ce qui facilite la discussion avec eux en cas de problème et ce qui leur permet également de se sentir appartenir à leur commune.
C’est alors que l’adaptation du projet Sport Pour Tous, le local d’accueil libre (LAL), les boums d’anniversaire et la continuité du Projet Trait d’union (pour favoriser les relations intergénérationnelles) ont trouvés leur place. L’Idée est d’être en lien avec les jeunes le plus tôt possible afin de créer un lien de confiance et de détecter leurs besoins afin d’y répondre en termes de projets. Le LAL de Chancy, tout comme le local en gestion accompagnée, sont des projets mis en place pour la jeunesse. Le LAL permet aux jeunes de 12 à 15 ans de bénéficier d’un lieu en libre adhésion pour se rencontrer ainsi que pour y passer du bon temps une fois par semaine.
Maintenant que nous avons compris comment toute cette aventure a débuté, nous allons à présent, exposer la mise en oeuvre du plan d’action autour du LAL et de la boum de Noël, sous forme de chronique. Chaque partie sera suivi d’une brève analyse.
Aménagement


Le local d’accueil libre (LAL) se trouve au cœur de la commune rurale bien paisible. Par un matin d’automne, les chants d’oiseaux mélodieux et le calme règnent ; pas l’ombre d’une tête dans les environs.
Le LAL quant à lui manque de personnalisation … Une pièce étroite où un parfum de peinture fraîche prédomine ; de récents travaux ? Un puits de lumière venant de quatre fenêtres laisse tout de même le sentiment que le LAL pourra prendre vie !
Il est temps de penser à meubler cette pièce ! Le matériel acheté est réfléchi et budgété (5’000.-) Un salon à l’image d’un chez-soi où la commodité est primordiale. Un écran imposant qui projette FIFA, jeu de PlayStation 4 pour que les jeunes kiffent en grand et puissent se défier en s’asseyant confortablement dans les nuages. Une planche en bois à quatre pieds accompagnée de ses inséparables amies privilégient les moments d’échanges. Les partages seront nombreux autour d’un UNO, un Doble ou encore un Puissance 4. Un LAL, sans sa caisse aux petits footballeurs ? Non ! Le plaisir est aussi au rendez-vous. Le premier contact en sera facilité. Pour une meilleure intimité, le passage de lumière et de visibilité est décoré par des stores aux couleurs de la pièce, un beige chaleureux. Un peu à l’écart, un coin de la salle rappelle la fonction plus administrative du TSHM. Un bureau qui propose aux jeunes gens de s’entretenir individuellement avec Nihed. Pour conclure les achats, il ne faut pas oublier de rassasier ces jeunes qui sortent tout droit d’une longue journée où leurs neurones sont mis à rude épreuve. Gobelets, petites assiettes, pichets, morceaux de pain, chocolat et sirop sont indispensables pour relever cette mission.
Emplacement et conception stratégique…
La localisation du LAL au centre de la commune, permet d’en faciliter l’accès. En effet, il est situé non loin de deux arrêts de bus, de l’école primaire et de la mairie. De ce fait, les jeunes peuvent y accéder rapidement tout en ayant des repères spatio-temporels. Un avantage que nous pouvons désigner de « qualité fonctionnelle », une des clés de lecture pour appréhender un territoire (Pattaroni, Thomas et Kaufmann, 2009). De plus, étant l’ancienne mairie de Chancy, ce bâtiment comprend, en plus du LAL, une salle communale. Ainsi, de multiples événements peuvent y être organisés, ce qui permet de favoriser les rencontres entre différents acteurs et la création de liens, nous pouvons alors parler de « qualité sociale ». “Donc ce bâtiment, on ne va pas l’appeler la maison des associations, mais c’est un bâtiment qui bouge beaucoup ; il y a aussi la salle communale en bas.” Nihed. Au vu de son histoire et de ce qu’il représente, ce bâtiment est cher aux yeux des habitants, ce qui fait de lui un sujet « sensible ». Un détail à ne pas négliger en tant que TSHM.
Ensuite, comme dans tout nouvel espace de vie, un aménagement s’imposait dans le LAL. Cette étape primordiale permet d’agir sur l’environnement en meublant une dynamique de l’espace. Si l’endroit est accueillant et convivial, il donnera davantage envie d’y aller, y rester et en faire un repère. Comme le dit Nihed, le TSHM, “c’est important pour qu’ils se sentent bien, comme chez eux. Ils ont le choix de venir et s’ils viennent et que ça ne leur correspond pas, (…) ils ne viendraient pas. » . En plus de rendre l’espace plus convivial à l’aide par exemple des stores et des canapés, l’aménagement comprend également la mise en place de jeux, d’accessoires électroniques, etc. Il est important que les jeunes aient des supports qui leur permettent d’interagir entre eux, de créer des liens, des affinités ou simplement d’échanger, s’évader. De ce fait, ils apprennent à grandir et se construire à travers des jeux collectifs. Néanmoins, il est nécessaire que ces outils soient adaptés aux besoins des jeunes et de leur âge. Nihed va dans ce sens en disant qu’il est « important pour accueillir les jeunes avec leur tranche d’âge qu’il y ait un baby-foot, une PlayStation, des canapés, des jeux de société et une table » . Pour terminer, afin de favoriser un suivi régulier et faciliter la création de lien entre les jeunes et le TSHM, un bureau est présent dans le LAL. Cet aspect plus formel, permets d’avoir des entretiens avec les jeunes qui le désirent et démontrer une présence, un appui, un lieu d’écoute, de confiance, de soutien et de proximité.
Flyer inauguration


Il est temps de crier sur tous les toits de Chancy l’inauguration du fameux LAL qui a enfin trouvé meubles à son pied. Un petit bout de papier avec toutes les informations du grand jour fera l’affaire pour un coup de pub et engagera la rencontre avec le peuple, mais attention pas n’importe qui : uniquement les habitants de la commune paisible et avant tout, les jeunes et leurs géniteurs, qui sont les premiers concernés.
La remise des flyers se ferait par une flânerie dans les ruelles campagnardes avec des haltes aux arrêts de bus durant les heures de sorties du cycle d’orientation pour être sûres de rencontrer les jeunes de 12-15 ans protagonistes de l’inauguration. Ainsi, que les petits commerces emmitouflés dans les anciennes bâtisses où des gens pourraient s’y cacher ; tous des lieux propices à la vie humaine.
Cependant, le flyer ne sera finalement pas distribué …
A chaque âge ses besoins…
“La mairie a envoyé une lettre tout ménage (courrier) aux habitants dont les enfants sont agés de 12 à 15 ans.” Nihed. Les enjeux politiques liés au métier de TSHM prennent place. En effet, le LAL est certes destiné aux jeunes, mais pas à tous, il a été spécifiquement conçu pour les jeunes de 12 à 15 ans. Dès lors, l’enjeu lié à la distribution du flyer est qu’il risque d’attirer des jeunes âgés de moins de 12 ans.
Il est pertinent de souligner cette dimension de l’âge qui se joue dans la commune de Chancy. Pour Nihed, chaque tranche d’âge est rattachée à des besoins spécifiques et propres à chacune, qui sont les suivants:
Les besoins des différentes tranches d’âge peuvent être analysés à travers diverses approches de la transition juvénile. La jeunesse peut être perçue comme une classe d’âge, une génération qui s’allonge de plus en plus et qui nécessite un accompagnement précoce qui va se déployer jusqu’à l’âge adulte. Ces citations mettent cette approche de la jeunesse en exergue : “Nous, c’est plus dans la prévention, je pense. On nous a dit que quand des choses sont mises en place, on connaît mieux les jeunes et après c’est plus facile de discuter en cas de problèmes.” Adjoint au maire de Chancy
C’est une approche de la jeunesse qui permet également de créer un lien de confiance et un accompagnement le plus tôt possible: “En les prenant plus jeunes, on va plus facilement créer un lien fort avec eux et créer un climat de confiance pour qu’on puisse travailler avec eux sur des choses spécifiques” , “ On va les voir grandir. On va pouvoir les accompagner tout au long de leur parcours” Nihed
Penser à des projets spécifiques pour chaque tranche d’âge à l’intérieur même de la commune est un levier qui permet de renforcer le lien de citoyenneté : “Moi j’aimerai que les jeunes qui vivent à Chancy s’identifient à leur commune (…) donc si on développe une filiale de chaque tranche d’âge, ils restent en contact avec leur commune, ils ont une appartenance à leur commune” Adjoint au maire de Chancy
Le LAL est donc un dispositif qui répond aux besoins des jeunes de 12 à 15 ans. C’est un réel outil pour le TSHM qui permet aux jeunes de 12 à 15 ans d’être encadrés dans la bienveillance par un adulte, et il répond à leurs besoins d’être accompagnés et soutenus au mieux dans cette période de transition entre l’enfance et l’âge adulte. Ce lieu d’accueil libre offre l’opportunité aux jeunes de s’affirmer dans l’espace public de la commune à travers des projets co-construits avec eux, comme dans l’espace privé en étant au contact de leurs pairs, mais également au contact du TSHM.
Afin de répondre aux besoins de tous les âges de la jeunesse, il est essentiel de les comprendre avant tout, les voir comme ressource permet de détecter ce qui est important pour leur transition juvénile: “Il faut voir ce qu’on peut leur proposer. C’est une chose et une autre, c’est que si on ne comprend pas les jeunes, on va passer notre temps à les sanctionner” Adjoint au maire de Chancy
Accueil libre au LAL


Les jeunes entrent… Tout de suite à l’entrée à gauche, posée sur cette planche en bois à quatre pieds, une feuille les attend. Nom, prénom, numéro de téléphone, lieu d’habitation, date d’anniversaire, un regard de méfiance et d’incompréhension surgit sur ces visages juvéniles. Nihed leur explique immédiatement : « Ne vous en faites pas ! C’est pour savoir qui vous êtes, si vous avez l’âge de venir, si vous êtes de la commune et pour vous contacter si jamais on organise une sortie ou s’il y a un changement d’horaire. » ; les voilà rassurés.
Certains poursuivent leur chemin vers la droite vers « FIFAAA ! » où de jeunes garçons et Nihed sont entassés. La gente masculine prédomine dans cet univers. Un « Putain ! Mais t’es nul ! Je veux pas jouer avec lui ! » et des rires à gorge déployée fusent dans tous les sens. D’autres virent à gauche vers les mini-footballeurs accrochés aux manches qui grincent et s’entrechoquent sous l’excitation d’une jeune fille et d’un garçon qui hurle : « Yes ! J’ai marqué ! » Pour couronner le brouhaha incessant, un son artificiel actuel jaillissant à toute allure des basses qui résonnent dans tout l’espace : « pouloulou, j’fais repérage de femmes sur les réseaux, pouloulou, j’ai vu ses lolos, pouloulou, elle m’a pas follow back quand je l’ai follow, pouloulou ».
Un coin se trouvant tout à gauche du local serait néanmoins à l’abri de ces ondes sonores et permettrait de s’échapper par sa porte coulissante, le bureau …
Un lieu de rencontre sécurisant…
Il est intéressant de mettre en lumière la pertinence du LAL, car il représente un outil pertinent dans le métier de TSHM. C’est tout d’abord un réel outil qui permet de créer un lien avec les jeunes, un lien qui sera au fil des rencontres renforcé et pérennisé. Les professionnels du LAL se montrent à l’écoute dans cet espace ludique, soutiennent les jeunes et font également preuve de présence bienveillante. C’est un lieu dans lequel les jeunes peuvent se confier au niveau de certaines problématiques dont ils ne peuvent pas parler ailleurs. La présence du TSHM au LAL lui permet de suivre l’évolution des besoins des jeunes de plus près, suite à des demandes spécifiques ou des propositions d’activités et de projets (boum anniversaire, sortie…). Le LAL offre non seulement la possibilité au TSHM de soutenir les jeunes et de les accueillir, mais aussi de renforcer leur inscription dans divers liens sociaux comme par exemple le lien de citoyenneté: “C’était plus pour qu’ils aient un lieu où se retrouver, un lieu communal. Ca crée aussi un lien fort et une appartenance à la commune.” , “Le local accueil libre est un outil important pour le TSHM et ça peut déboucher sur d’autres choses importantes.” Nihed
Lorsqu’on évoque le LAL, on fait aussi référence à la notion de libre adhésion qui l’englobe : dans le mot “Accueil libre”, il y’a un principe premier qui est celui de la libre adhésion, ça veut dire que tous les jeunes ont la liberté de venir, mais d’en partir aussi.” Coordinatrice régionale du BUPP
En effet, l’admission au LAL se fait sans inscriptions ni critères d’admission (sauf l’âge), car il est simplement au bon vouloir des jeunes, mais cela n’est pas un pur hasard. Derrière cette libre adhésion, il y a quelque part une certaine envie que les jeunes soient acteurs de leur propre choix, et lorsque le jeune décide de venir au LAL et d’y rester de son propre gré, le travail du lien avec le jeune se voit solidifié et plus accessible.
Boum


Au cycle d’orientation du Vuillonex, la starlette fait jouer ses nombreux contacts pour faire un max de pub pour la boum de Noël à Chancy. Ne vous fiez pas à sa petite taille, elle ne se cache pas de son assurance et de son implication dans les préparatifs de la boum.
C’est le jour J ! Il est 19h30. Les jeunes commencent à arriver par groupe, tous apprêtés comme pour un “défilé de mode” ; les enjeux sont de taille : pantalons retroussés chez les garçons, certaines filles toutes coquettes en jupes et d’autres en pantalons moulants, vestes courtes resserrées à la taille, des hauts à paillettes ou courts, des bijoux ou sacs comme accessoires. Les fêtards découvrent la spacieuse piste de danse éclairée par des couleurs vives mouvantes. La DJ est perchée sur son trône prête à ambiancer avec ses musiques endiablées : rap français, hip-hop, r’n’b et tout ce qui pourrait plaire à cette jeunesse.
Dans les coins reculés de la boîte, les filles chuchotent entre elles d’un air intimidé. Les garçons tels de vaillants chevaliers se courent derrière, se bousculent et jouent à se battre. Petit à petit, tout le monde laisse libre cours à leur corps et se mettent à danser et à chanter en union.
Les animations peuvent commencer ! Limbo : un à un, ils se courbent et se tortillent pour passer sous le bâton tendu. Battle de dance : le TSHM se lance au milieu des jeunes enflammés : « Go Nihed, go Nihed » ; Nihed sautille, met un pied en avant et en arrière, il tourne et est acclamé par tous.
L’heure de la fin sonne. Les frimousses partagées entre la tristesse, la joie et la fatigue s’écrient : « J’ai pas envie de rentrer ! Encore un petit moment ! » Le TSHM reprenant ses esprits et son sérieux réplique : «Pour ceux qui doivent prendre le bus, il est à 22h24. Ne le ratez pas ! » Ainsi s’achève une boum de folie …
Entre attentes et besoins: une jonglerie sans fin…
Cette boum ne fut pas une finalité en soi, mais au contraire le commencement d’un outil prometteur. En effet, l’un des buts pour le TSHM étant de créer et maintenir du lien avec les jeunes, cette boum était l’occasion de le faire de manière un peu moins formelle. De plus, cet outil sera également utilisé pour permettre aux familles qui ont moins de moyens financiers d’organiser des boums d’anniversaires pour leur(s) enfant(s).
Ceci dit, nous avons également remarqué l’effort vestimentaire des jeunes. Entre 12-15 ans les jeunes sont en construction identitaire et il est important pour eux de s’affirmer et trouver une place au sein de leurs pairs. Ainsi, le besoin d’appartenance et de reconnaissance sont des éléments cruciaux dans cette construction. Pour ressentir ces sentiments, il faut en partie ressembler à ses paires, mais également savoir se distinguer afin de se créer sa propre identité. C’est pourquoi la tenue vestimentaire a joué un rôle lors de cette boum.
Ensuite, organiser cette boum dans le même bâtiment que le LAL a permis de davantage le rendre visible dans l’espace public et rendre aussi visible le travail des TSHM. De plus, le fait qu’il y ait des adultes présents du début à la fin a sûrement contribué à la présence de nombreux jeunes. En effet, cela rend la soirée plus sécure et les jeunes sont moins présents dans les rues. Néanmoins, participer à une boum a impliqué pour les jeunes de respecter des règles préétablies par Nihed.
Pour mener à bien ce projet, Nihed a dû observer les attentes des jeunes, agir en fonction de la demande, tout en tenant compte des enjeux politiques. Cette boum se situe entre le « faire » et le « faire voir », car malgré l’amusement des jeunes et leur satisfaction, il est également important de montrer les résultats de cette démarche. Un concept qui explique la présence d’un élu lors de cette soirée.
Nous comprenons alors que pour organiser une boum, divers éléments sont à prendre en considération !
Conclusion


La commune de Chancy a progressivement intégré le travail social dans la prise en charge de besoins sociaux liés aux jeunes. Cela est en partie dû au pic du développement de la jeunesse dans la commune. C’est pourquoi des programmes de prévention ont été mis en place ou ont été adaptés. Les dispositifs mis en place permettent ainsi d’accompagner la jeunesse dans la transition de l’enfance vers l’âge adulte. La spécificité de Chancy est d’agir en amont des problématiques et de développer continuellement des projets pour la jeunesse. Certains principes du travail social hors murs tels que d’aller à la rencontre des jeunes dans leur milieu de vie, créer des liens et les renforcer, les accompagner et d’autres permettent de renforcer les actions entreprises. De ce fait, le travail social hors mur en campagne a certaines particularités. En effet, il se met en place dans un contexte de grande proximité relationnelle avec les différents acteurs présents sur la commune (BUPP, adjoint au maire, commission sociale et jeunes), comme nous avons pu nous rendre compte lors de l’inauguration du LAL. Cela implique un aspect émotionnel qui peut être plus présent que dans des communes urbaines, dû au fait que Chancy est une petite commune où les liens sont plus resserrés. L’accessibilité des différents lieux est facilitée, les habitants se connaissent ou du moins se sont déjà aperçus: ”C’est très émotif dans cette commune, car tout le monde se connaît. Il est très difficile de gérer la proximité entre la commune et les jeunes, car ils sont très proche dus à sa petite superficie.” Nihed
La fonction du TSHM est par conséquent essentielle. Il est le tiers liant/intermédiaire entre la commune et les jeunes de Chancy. Il est constamment à l’écoute des besoins sociaux qui peuvent changer. Aussi, le TSHM est un facilitateur dans l’élaboration et la mise en place de projets. Ces derniers doivent naturellement répondre à des besoins spécifiques, que ce soit au niveau de l’aménagement du territoire, l’âge des jeunes ou encore la politique publique locale. Ainsi, pour mener à bien l’ensemble de ces projets, il est important pour le TSHM d’avoir une bonne compréhension du fonctionnement, une étroite collaboration entre les différents acteurs et une certaine adaptabilité; un savoir-faire et savoir-être nécessaire à la bonne réalisation de son travail. Que ce soit le LAL, la Boum, le LGA, ils représentent tous un outil permettant la création et le maintien du lien avec les jeunes. Pour terminer, nous comprenons alors que le travail du TSHM consiste à observer – agir – évaluer et réévaluer constamment leurs projets. Un processus inévitable, car il doit rendre visibles ses actions, ainsi que leurs résultats; des enjeux encore plus grands dans une commune comme Chancy.
Bibliographie
- Battaglini, M. (2017). Entre “faire” et “faire voir”, politiques publiques et action sociale (MAP: la citoyenneté agressée, la place des jeunes dans la ville). Genève: HES-SO, Haute école de travail social.
- Wicht, L., Pittet, A., Battaglini, M. & Peradotto, J. (2017). Transitions juvéniles et liens sociaux dans une diversité de territoires: les réponses du TSHM (MAP: la citoyenneté agressée, la place des jeunes dans la ville). Genève: HES-SO, Haute école de travail social.
- Plateforme romande du travail social hors murs. (2017). “Référentiel” du travail social hors murs, dire les pratiques pour mettre en lumière collectivement un savoir-faire professionnel. Genève: Slatkine.
- SITG/OCSTAT juin 2017
Réalisation
Larraine Mukeze (HETS – GE) – Amal Favre (HETS – GE) – Melissa Moron Angeles (HETS – GE) – Mergime Muqaj (EESP – VD)